Header Critique : THE BUTTERFLY ROOM

Critique du film
THE BUTTERFLY ROOM 2012

 

Peu connu chez nous, le réalisateur italien Jonathan Zarantonello en est à son troisième long métrage avec THE BUTTERFLY ROOM. Il s'agit d'une production aux moyens relativement importants, co-production entre l'Italie et les Etats Unis tournée en Californie. Son grand atoût, c'est de promettre le retour aux affaires de Barbara Steele, icône de l'épouvante des années soixante ayant vu sa carrière ralentir dans les années quatre-vingts. Elle incarne ici une vieille dame solitaire nommée Ann et est accompagnée d'autres visages connus par les amateurs : Camille Keaton est une bourgeoise inquiétante, Ray Wise est le régisseur de l'immeuble où se déroule l'essentiel de l'action, P.J. Soles est une passante croisée dans un centre commercial, Heather Langenkamp incarne une mère de famille très hostile à Ann... Joe Dante lui-même (qui dirigea Barbara Steele dans PIRANHAS) fait une apparition en chauffeur de taxi !

Vieille dame dont le passe-temps principal consiste à collectionner les papillons, Ann éprouve de la sympathie pour les enfants de son entourage, en particulier la fille de sa voisine qu'elle aimerait voir devenir lépidoptériste. Ann rencontre aussi une fillette bizarre dans un centre commercial, fillette qui lui propose de la voir régulièrement pour qu'elle l'aide à apprendre le français...

En ramenant sur le devant de la scène Barbara Steele pour incarner une vieille dame au comportement étrange, Jonathan Zarantonello marche sur les traces de ces films exhumant des gloires anciennes pour leur faire jouer des personnages psychotiques. Nous pensons à Gloria Swanson en Star déchue dans le Film Noir BOULEVARD DU CRESPUSCULE évidemment. Mais, plus précisément encore, ce sont les longs métrages de Robert Aldrich tels que QU'EST-IL ARRIVE A BABY JANE ? et CHUT, CHUT, CHERE CHARLOTTE, tous deux avec une Bette Davis frippée, fardée et ravagée, qui posent les bases du style de films d'horreur auquel se rattache THE BUTTERFLY ROOM. D'autres métrages du même genre succédent au succès de QU'EST-IL ARRIVE A BABY JANE ? et creusent le sillon en soulignant des liens ambigues entre vieilles dames a priori bien comme il faut et des enfants : MAIS QUI A TUE TANTE ROO ? de Curtis Harrington invite Shelley Winters pour une relecture de la légende de Hans & Gretel. Encore plus proche du métrage nous concernant, Bette Davis tourne pour la Hammer CONFESSION A UN CADAVRE dans lequel elle incarne une Nanny pas comme les autres !

Ann/Barbara Steele rejoint ce défilé de mémés indignes avec THE BUTTERFLY ROOM, lequel recoupe aussi un motif de L'OBSEDE de William Wyler, celui du psychopathe collectionnant les papillons. Plongeant ses racines dans un certain cinéma d'horreur des annés soixante, THE BUTTERFLY ROOM joue essentiellement sur l'ambiguité d'Ann. Le récit nous est décrit dans un certain désordre chronologique, nous révélant étape par étape diverses épaisseurs du personnage. Ann est touchante par sa gentillesse à l'égard des enfants, son isolement dans une grande ville, la manière dont certaines personnes de son entourage abusent d'elle. Mais elle inquiète aussi par certains de ces états colériques, de ses manies étranges (comme celle de faire des travaux conséquents dans son appartement, seule à l'aide d'un lourd marteau !).

A la fois attachante et morbide, sympathique et antipathique, Ann est l'axe autour duquel tourne un univers ambigue, peuplé de fillettes parfois innocentes, parfois perverses, de mères négligentes, laissant leurs enfants tisser des liens ambivalents avec une voisine a priori inoffensive – mais en fait pas tant que cela.

Une grande qualité de THE BUTTERFLY ROOM est sans conteste d'offrir à la grande Barbara un rôle remarquable de richesse et d'ironie, véritable pivôt d'un récit non dénué d'humour noir et de perversité. Dans cette Californie quotidienne, cadre idéal d'un Film Noir classique, Jonathan Zarantonello déploie un scénario astucieux et soigné, faisant la part belle à ses personnages et à leur description, fourmillant de divers clins d'oeil à certains cinémas d'épouvante des années soixante à quatre-vingt (avec cette poursuite finale sur fond de Hard Rock, réminicence de l'Argento période PHENOMENA ou TERREUR A L 'OPERA !). On pourra reprocher à THE BUTTERFLY ROOM de tourner parfois en rond ou de se conclure d'une manière un peu convenue, mais il s'agit tout de même d'un bon film, intelligent et bien fait, conçu avec un indéniable amour de nos genres préférés, de leurs acteurs vedettes et de leurs personnages, même les plus inquiétants !

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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